Le "déclic" : mythe ou réalité?

La notion de " déclic " que cela veut-il dire? Est-ce que du jour au lendemain la situation s'arrange et "hop" nous sommes guéris? (ça je pense que vous avez compris que non) Est-ce un bruit? (là je plaisante) Est-ce que cela peut se matérialiser? (cela dépendra de chacun)

Le déclic vous l'aurez compris symbolise l'instant à partir duquel la personne prend conscience du fait qu'elle est malade. Une parole, une image, un lieu, une personne...tout ce qui peut permettre un changement de pensée et de vision peut être pris comme un déclic.

Personnellement le déclic ne s'est pas fait en une seule fois. Outre la phrase uppercut de Philippe " Pierre si tu viens pour mourir dans la salle alors tu peux rentrer chez toi ", plusieurs étapes ont été nécessaires.

La première et je l'ai déjà détaillée dans d'autres articles se sont les miroirs de la salle. Loin du côté narcissique que certains pourraient penser ils ont été pour moi un véritable révélateur. Le plus étrange c'est que des miroirs il y en a chez moi mais que ceux-là n'ont pas eu le même effet. Le fait d'être dans un autre lieu a sûrement dû y faire. Bien souvent l'anorexique ne voit pas son reflet tel qu'il est or là c'est tout l'inverse qui s'est passé et lorsque j'écris ces lignes ce sont mes jambes que j'ai en pensée car comble de tout j'allais à l'époque en short et tee-shirt faire du sport. Certaines personnes m'ont dit quelques années plus tard que cela les avait choquées.

La deuxième étape, qui découle de la première se sont les cauchemars. Rêver de soi ça arrive. Cauchemarder cela arrive aussi. Mais avoir peur de sa propre personne, de son propre reflet là c'est une autre histoire car lorsque vous vous réveillez que voyez-vous? Ce que vous aviez quelques instants plus tôt en cauchemar. Lorsque nous faisons un cauchemar et que nous nous réveillons nous disons bien souvent " ouf, ce n'était qu'un cauchemar " mais là une fois réveillé vous ne pouvez pas dire ça car même les yeux grands ouverts le cauchemar continue.

La troisième étape s'est faite au retour d'une longue marche. La marche (en général) est l'effort de l'anorexique. Avaler les kilomètres tout au long de l'année, par n'importe quel temps, n'importe où et ce quelque soit l'état physique. Ce jour là il y avait du vent et chose rare à Bordeaux et ses environs, le thermomètre frôlait zéro degré. Je suis parti comme chaque jour marcher dans les vignes derrière chez moi. Promenade qui durait entre 2h00 et 2h30 pour une distance allant de 10 à 15km. Une telle distance lorsque vous mangez très peu représente une dépense calorique considérable et l'effort qui en résulte ne fait que vous affaiblir un peu plus. Croyez-moi si vous voulez mais j'ai cru ne jamais revenir de cette marche. Le froid, la résistance pour lutter contre le vent, le manque d'énergie, tous ces efforts m'ont vidé d'un coup et j'ai bien cru que mon coeur avait décidé de me dire " là petit je ne peux plus rien pour toi, désolé... " Seul au milieu des vignes, seul avec moi même, seul face à la mort, seul...soit je lâchais prise soit une fois de plus j'allais au bout de moi-même pour trouver les dernières forces et rentrer pour sauver ma Vie. Si ces lignes sont écrites aujourd'hui c'est que j'ai choisi d'aller au bout de moi-même. Aujourd'hui cela reste l'effort le plus dur que je n'ai jamais réalisé, l'épreuve la plus difficile que j'ai connu depuis ma naissance. J'aurai très bien pu me dire à cet instant " vivre la Vie comme je la vis aujourd'hui ça n'en vaut pas la peine, j'arrête là " Des envies de suicide j'en avais eu avant alors pourquoi ne pas " profiter " du moment...Mais non j'ai décidé de vivre, de me battre. Pour quelle raison? Je ne sais pas, peut-être simplement parce que j'ai eu peur. Peur de mourir et que c'est un réflexe de survie qui s'est déclenché. C'est au retour de cette marche que j'ai demandé en janvier 1999 à être hospitalisé au centre Abadie de Bordeaux dans le service du professeur Moreau.

La situation ne s'arrange donc pas du jour au lendemain. Je pense que plus la maladie est installée plus ce " déclic " est long à mettre en place. Plus long à trouver pour la simple raison qu'avec le temps se rendre compte de la situation se fait moins facilement et que nous sommes plus fermés. Pour reprendre le terme déjà cité dans l'article " Vouloir mais ne pas pouvoir : dilemme " (https://winnerpedro.blog4ever.com/blog/lirarticle-164351-1018680.html ) il faudra savoir être patient.

J'aime le terme de déclic même si certains pensent que cela fait trop matériel. Il symbolise pour moi le bruit que fait une serrure lorsqu'elle s'ouvre, comme les cambrioleurs qui forcent un coffre. Faire sauter le verrou…

Nous avons tous au fond de nous la clef qui ouvre ce verrou…nous sommes les seuls à pouvoir la trouver…courage… le déclic est une réalité.

N.B : Si vous voulez réagir à cette mise à jour ou développer votre propre ressenti, je vous invite à le faire via le forum.



04/11/2008
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